Chapitre 6 : Acculé

Tu n'as aucune idée de combien j'ai travaillé dur, toute mon énergie, ma vie et mon esprit ont été consacrés à ce projet. J'étais au bureau, dans l'entrepôt presque jour et nuit, et mon esprit était concentré là-dessus.

"Priscilla... c'est un désastre ! Pourrais-tu être plus prudente ? Cette fille est une catastrophe..." me disait souvent Kate. Elle n'a rien fait d'autre que de me donner des idées géniales que nous ne pouvons pas exécuter. Et ensuite, c'était entièrement de ma faute.

Elle n'était d'aucune aide, mais, d'un autre côté, je dois admettre qu'Ethan a essayé de m'aider, il aimait ce qu'il voyait des designs et de toutes les options, mais en général, j'ai dit très gentiment : merci, mais non merci.

Il fronce les sourcils à chaque fois, j'ai évidemment besoin d'aide, j'ai presque tout fait seule ! Mais je ne veux pas être proche de lui, c'est comme si je me sentais mal rien qu'à être à quelques centimètres de lui.

La distance est ce dont j'ai vraiment besoin de lui.

Mais enfin, aujourd'hui est le jour le plus important car nous allons présenter la première ébauche du projet au patron d'Ethan. Ethan et Clark sont très heureux, mais je me ronge les ongles, je suis stressée.

Je mets une longue jupe verte, une chemise blanche et quelques accessoires. Mes cheveux sont attachés en queue de cheval et je porte peu d'accessoires. Suzy dit toujours que bien s'habiller aide à se sentir confiant. Je pense qu'elle a raison.

Je me sens vraiment bien, une vraie professionnelle. En sortant du bâtiment, je suis surprise par le mignon voisin qui me voit et sourit.

Mon dieu... Robbie est vraiment mignon. Je ne rêvais pas du tout.

"Salut chère voisine," dit-il et je glousse. Est-ce que je glousse ? Qu'est-ce que c'est que ça ?

"Bonjour," dis-je en regardant ma voiture.

"Tu sais, je me demandais... est-ce que tu voudrais sortir avec moi ?" demande-t-il, et je suis stupéfaite.

"Sortir comme...?"

"Comme un rendez-vous" ajoute-t-il "Si tu veux bien sûr," dit-il et je rougis.

Il semble que c'est une invitation légitime à un rendez-vous. Je veux dire, il ne rit pas, donc... ce n'est pas une blague. Non ?

"Pourquoi... je veux dire... pourquoi voudrais-tu sortir avec moi ?" je demande.

Dieu Priscilla ! Quelle question stupide ! Il hausse les épaules.

"Je te trouve magnifique et... fascinante," dit-il avec ce demi-sourire que j'aime tant.

Magnifique... fascinante. Waoooo, juste waoooo.

"Eh bien... oui. Oui," dis-je avec assurance.

"Alors je viendrai te chercher demain soir, si ça te va" je vois son sourire, et je me sens défaillir.

"Formidable !"

"Je te prends ici chez nous" il sourit.

"Chez nous, oui... parce que nous vivons ensemble ! Je veux dire au même endroit !" dis-je, et nous rions.

Notre rendez-vous est demain. Tu imagines ? J'ai un rendez-vous, j'ai un rendez-vous !

Là, je pleurais sur mon sort et un gars mignon est apparu et m'a invitée sans prévenir.

La réunion s'est mieux passée que je ne le pensais. Le patron d'Ethan semblait strict mais aussi très content des résultats. Surtout du design que j'ai fait avec des textures modernes et des couleurs vives.

"C'était toute mon idée," dit Kate, essayant de prendre tout le crédit pour mon travail.

"Je suis sûr que j'ai vu ça dans le carnet de Priscilla" mentionne Ethan, et j'ai failli m'étrangler. Mon patron est conscient de tous mes efforts. Le client était heureux.

Je suis juste fière qu'ils aient aimé ce que j'ai fait et qu'il y aura d'autres projets à venir. Mon design a été un succès et j'ai un rendez-vous ! La vie est belle !

Après la réunion, mon patron annonce que nous allons dîner dans un restaurant chic du centre-ville pour célébrer.

Et Ethan vient avec nous. Ne te méprends pas, je suis reconnaissante pour toute son aide, mais j'ai besoin d'être aussi loin de lui que possible.

Quand nous arrivons au restaurant, je me positionne de l'autre côté de la table, avec beaucoup de sièges entre Ethan et moi. Le restaurant est vraiment magnifique, et je ne pense pas avoir déjà vu un endroit comme celui-ci avant.

La nourriture est fantastique, et j'essaie tout petit à petit. Je suis toujours consciente de mes portions comme si tout le monde regardait ce que je mange. Même si je sais que ce n'est pas vrai.

Quand il est là, je redeviens Miss Piggy et non la Priscilla que j'ai travaillé si dur à devenir. Ouais... je suis vraiment perturbée.

"Merci, Ethan, pour toute ta patience... tu es un client tellement merveilleux !" j'entends Kate dire à Ethan. Elle essaie de le toucher, je parie qu'elle veut l'emmener dehors, ailleurs.

Mais je le vois me chercher, tandis que je parle à mes collègues proches de moi, beaucoup me félicitent pour mon travail.

À un moment donné, je me lève pour aller aux toilettes, et en revenant, j'en profite pour voir le restaurant. Je marche vers d'autres salles et trouve un petit jardin semi-ouvert.

Il y a une petite fontaine et des sculptures, c'est très petit mais magnifique. Je reste là, loin de tout le monde, fascinée par le beau jardin avec des pots de fleurs. Cela ressemblait à un endroit secret. Je tourne le dos quand j'entends une voix.

"Tu as vraiment exagéré en m'évitant..."

Ethan. Il a dû me suivre. Il s'approche et je fais quelques pas en arrière.

"Je..." commence à dire.

"Tu n'as rien à me dire. Je veux dire... tu sembles assez bavarde avec les autres." Il est sans sa veste, sa chemise n'a pas de cravate et les boutons du haut sont déboutonnés. J'avale ma salive.

"Que fais-tu ici, Ethan ? Quel est ton problème avec moi ?" je demande. Qu'est-ce qu'il me demande ? Que je ne lui parle pas ?

Il met ses mains dans ses poches et continue de marcher vers moi, s'arrêtant à quelques pas pour regarder le jardin.

"Je voulais juste... je voulais juste te féliciter. Mon patron et l'entreprise sont très satisfaits de ton travail. Tu as toujours été brillante," dit-il sincèrement, en me regardant.

Je regarde dans ses yeux, cette couleur maudite que j'ai toujours aimée, comme du sable sous le soleil. Et soudain, je me souviens de quand il était un garçon, celui qui me souriait toujours. Comme j'aimais le voir sourire !

"Merci," dis-je simplement. Il soupire.

"Qu'est-ce qui se passe ? Tu fuis toujours devant moi, tu n'acceptes pas mon aide, mes invitations, je ne comprends vraiment pas..." dit-il et fait quelques pas de plus vers moi.

Soudain, je suis consciente de son parfum, c'est fabuleux. Je regarde son visage, ses traits attrayants, sa peau dorée qui brille, ses yeux merveilleux. Je sais aussi que nous sommes seuls ici, et je fais quelques pas en arrière, mais mon dos heurte un mur.

Il ne tarde pas à s'approcher.

"Dis-moi Prissy ?" Il me chuchote et je vois ses lèvres se rapprocher, une légère odeur de vin me faisant réaliser qu'il a dû boire plus que quelques verres.

Il lève la main et remet une mèche derrière mon oreille, en profitant pour caresser ma pommette, ma mâchoire et mon menton avec ses doigts. C'est étrangement agréable.

Je sens que je transpire et que je tremble presque. Je me sens envoûtée, hypnotisée. C'est comme si mes souvenirs du passé se mêlaient à un futur qui n'a jamais existé.

Il met une main sur le mur à côté de moi et je le sens se pencher un peu plus près. Nous n'avons jamais été aussi proches, je suis piégée, coincée. Son autre main va à mon cou et semble vouloir aller à mon décolleté, mais finit par rester sur mon épaule.

"Vas-tu me dire ce qui se passe ?" Il chuchote de manière séduisante et avant que je puisse dire quoi que ce soit... il se rapproche et pose ses lèvres sur les miennes.

Il attrape ma lèvre inférieure entre les siennes et je sens que je ne peux plus respirer. Ethan m'embrasse. Ethan Fairfax m'embrasse.

Autant que je le déteste, c'est le seul gars que j'ai vraiment aimé, et nous voilà dans un restaurant, et nous nous embrassons.

Enfin, il m'embrasse. Je suis tellement surprise que je ne peux pas me résoudre à l'embrasser en retour.

Je sens sa poitrine contre la mienne et mon cœur battre à tout rompre. Sa main passe de mon épaule à mon cou, me tenant. Le mouvement de ses lèvres est doux et rythmique, puis, de tendre, il devient plus passionné... même si ses lèvres sont douces et chaudes.

Mon corps me trahit, mes genoux faiblissent, ma poitrine se soulève.

La pointe de son nez touche légèrement le mien, et je sens des mèches de ses cheveux effleurer mon front. L'odeur de l'alcool et un doux murmure viennent de ses lèvres.

C'est glorieux et en même temps... c'est l'enfer.

À un moment donné, il se retire lentement et je suis encore les yeux écarquillés. Quand je le regarde, il est aussi choqué que moi. Il a dû réaliser son erreur.

"Prissy... je," dit-il, essayant de s'excuser. Mais le mal est fait.

"Ah Ahhh... je... quelqu'un doit m'attendre" dis-je, et il me regarde avec une expression amère alors que je m'éloigne.

"Prissy ! Prissy !" Je l'entends m'appeler au loin, mais je quitte le jardin et le restaurant rapidement, ne lui laissant pas la chance de se rapprocher de moi à nouveau.